Chapitre 2
Le diable sème la nuit, récolte au petit matin

Au petit matin, hommes, femmes, bourgeois, soldats, et la plupart des moines reposent là où ils se sont écroulés, rompus de fatigue, vaincus par l'alcool. Il y a partout des corps étendus, enchevêtrés, vautrés, épuisés, repus d'avoir tant fêté.

Pendant qu'on roupille ainsi, seulement deux soldats, Gustavo et Pascual, montent la garde devant le pont-levis. Ou plutôt, somnolent autant que leur gueule de bois le permet. La vue embrouillée, les sentinelles pensent reconnaître les éclaireurs. Ils sortent de la forêt et reviennent en marchant aux côtés de leurs chevaux. Ils paraissent fourbus d'avoir parcouru la nuit durant toute la côte à la recherche des rescapés du naufrage.

 

 
Mais, à mesure qu'ils approchent du pont-levis, Gustavo et Pascual deviennent suspicieux. Entre deux bâillements, il se demandent pourquoi les éclaireurs prennent autant de soin à cacher leurs visages et dissimuler leurs corps derrière les chevaux?

Gustavo
Hernando? Oy?!
 
Pourtant tout proches, les éclaireurs ne répondent pas. Un vague soupçon se précise dans l'esprit embrumé de Gustavo et Pascual. Soupçon rapidement éteint d'un coup de poignard silencieux qui les fait passer de vie à trépas.
 
Ismaël Lamouche et Nicolas Picque, dit La Murène, parce qu'il n'a que trois dents aussi croches qu'effilées, ont revêtu le déguisement des éclaireurs. Maintenant, ils le changent pour le casque, la cape et la hallebarde des soldats de garde. Ensuite, Ismaël Lamouche bloque le mécanisme du pont-levis, pendant que Nicolas Picque fait un signal en direction de la jungle.