Un voyage au cœur de l'authenticité des peuples Amazigh et Amérindien.



Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec un Algérien à Montréal à l'issue de sa conférence. Je lui ai dit :  « Pourquoi tu ne t'identifies pas comme Berbère toi aussi » ?  Il m'a répondu ainsi : « Djamila, le message sur les Berbères passe mieux quand c'est un Arabe ou un autre qui le disent ».


J'étais abasourdie par son incohérence. Pourquoi le Berbère ne serait-il pas crédible quand il parlerait de ce qu'il est ?  Pourquoi s'acharne-t-on sur le Berbère jaloux de son identité au point de le traiter de raciste voire de fasciste chez lui ?  Pourquoi arrive-t-on à complexer le Berbère de dire sa berbérité chez lui ?  Ou encore, cet activiste communautaire marocain qui m'a interpelée lors du festival de Vues d'Afrique : « Mais pourquoi vous mettez Tamazight dans toutes les sauces » ?  Je lui ai dit :  « Je crois que tu n'as pas bien saisi la problématique de notre cause. C'est Tamazight qui est la sauce. Elle est les poumons de ce que nous sommes » !  Ce genre d'échange se vit tout le temps entre Le Berbère qui s'affiche et ceux qui se sont rangés du côté du dominant, du vainqueur. Ce dernier, a non seulement imposé sa langue et sa culture chez les Berbères mais il a vendu sa nouvelle perception de l'Afrique du Nord au monde même aux nations Unies ! Désormais, cette terre, selon lui s'appelle '' Le Maghreb '' !


Les autres peuples, même ceux qui se battent pour leur identité ne distinguent plus les Berbères des Arabes. Ils ont épousé les informations véhiculées par les officiels nord-africains et ne se posent pas trop de questions. Au Canada, un autre drame a secoué toute une civilisation au point qu'un législateur canadien ponde vers 1800 '' L'Acte des sauvages '' considérant sans scrupule les Amérindiens comme un peuple inférieur. Les Amérindiens sont donc contrés dans leurs réserves pour sauver le peu qui leur reste de leur identité. On en parle si peu ou pas du tout dans les Médias. Les immigrants ne les connaissent pas vraiment. De temps en temps, on découvre un bout de leur histoire lors d'un festival ou en visitant les Musées. Sans plus. Les Québécois font partie du lot de ceux qui confondent les Berbères avec les Arabes tout en luttant pour qu'on les distingue eux des Canadiens anglais. Un comportement on ne peut plus paradoxal.


Il a fallu donc attendre cette année 2008 pour qu'un réalisateur québécois, Roger Cantin, pense autrement. Il a écrit et réalisé un documentaire sur ces deux peuples autochtones d'Amérique du Nord et d'Afrique du Nord. Ils sont certes séparés par des océans mais le voyage dans leurs mondes respectifs nous révèle des similitudes extraordinaires dans la joie et dans la douleur. Il y a d'abord cette fierté d'être eux-mêmes. Contre tous les vents et toutes les tempêtes, ils ont résisté et continuent à résister aux politiques d'assimilation des dominants. Le parcours est certes parsemé d'embûches mais ils persévèrent pour crier leur existence aux leurs et au monde. Il y a ensuite cette douleur qui a rongé la mémoire collective et individuelle des deux peuples. Il suffit d'écouter les témoignages d'un Berbère marocain et d'une femme inue pour s'en convaincre. Le Marocain a passé une semaine en prison parce qu'il a écrit en Tifinagh, l'alphabet berbère, l'enseigne de son cabinet. L'Amérindienne a passé toute son enfance et son adolescence dans des écoles dites civilisées qui traitaient son peuple de sauvage et de sanguinaire.


Deux artistes engagés dans la cause de leur peuple.

Au mois de juillet 2007, l'artiste peintre berbère marocain Fouad lahbib dit Yeshou a séjourné, le temps d'un tournage, au pays des Innus. Il a rencontré un peuple simple, accueillant et très fier de ce qu'il a et ce qu'il est. Son guide n'est autre que le chanteur inu Florent Vollant. Ce dernier lui a fait visiter sa terre natale et a partagé avec lui les odeurs de sa culture millénaire. La caméra a mis en évidence maintes fois la beauté des territoires innus et leur richesse. Vollant dira à Yeshou :  « Ici, il y a les odeurs de ma nature, de ma culture et de mon héritage. Et ça, ça ne se mesure pas en méga watt ! » Il a fait allusion aux entreprises qui ne voient dans ces contrées immenses aux chutes d'eau impressionnantes qu'une source d'énergie et d'argent. « Chez nous, dira Vollant, le partage est notre véritable richesse. On est riche par rapport à ce qu'on donne et non pas par rapport àce qu'on reçoit ». De son côté, Vollant a fait un voyage au Maroc, chez les Berbères. Il a vu de ses propres yeux la beauté de leur terre et la richesse de leur culture. Un activiste berbère marocain dira : «  Il y a toute une partie de ce désert qui est réservée aux émirs Séoudiens pour chasser les gazelles et autres ». Quelle ironie de l'histoire! les Américains et les clubs privés s'accaparent une partie des territoires innus pour pêcher ou se relaxer. Les Pétrodollars du Moyen-Orient disposent du désert d'Afrique du Nord pour chasser des espèces rares avec la bénédiction des pouvoirs corrompus de la région.


L'Islam et le Christianisme



Les Berbères avaient subi les politiques d'assimilation de ceux qui avaient instrumentalisé l'Islam pour imposer la culture arabe en Afrique du Nord. Mohamed Chafik dira :  « On a affaire à un impérialisme culturel qui a comme levier la religion ». Les catholiques, de leur côté, ont fait des ravages chez les Amérindiens. Ils se sont attaqués à leurs traditions et leur ont imposé les leurs. Une Amérindienne dira :  « On a cru au curé, on a tout perdu ».


La réhabilitation des identités


Plusieurs personnalités amérindiennes dans tous les domaines se mobilisent pour contrer la politique d'assimilation et réhabiliter la culture et l'héritage de leurs ancêtres. Florent Vollant dira dans ce documentaire :  «  Ce retour aux sources est une lutte constante. Nos rituels et nos chants sont comme un voyage au ventre de nos mères ». Lors du débat, Vollant dira : « Au moins le monde saura qu'on est là! Les Berbères sont nombreux, mais nous, nous sommes minoritaires à tous les niveaux. Cependant, je me sens moins isolé maintenant, j'ai des frères ailleurs ». Et le réalisateur d'enchaîner : «  J'ai fait ce documentaire grâce à un Berbère marocain. Il y a de l'authenticité dans ma démarche. Les gens se sont présentés tels qu'ils sont ».


Les deux artistes ont partagé leurs rituels, leurs pains, leurs chants et leurs espoirs. Comme dirait une femme lors de l'ouverture du festival Vues d'Afrique :  « Il faut défendre la diversité et soutenir la production. Aussi, les frontières intérieures doivent disparaitre ». Financé par Vues d'Afrique et Canal D, ce documentaire qui est tourné en HD entre la forêt boréale, la rivière Mishta Shipu, l'Atlas et les confins du désert, sera diffusé le 4 mai à 19h sur le Canal D. Un documentaire à voir absolument.

www.BERBERE.com

Djamila Addar, 12 septembre 2008.