Voici les principales villes que les flibustiers ont pillées. Ces attaques étaient fréquentes et répétitives. Les habitants prenaient toutes les précautions pour fuir ou se défendre.


Quand par exemple, j'ai eu l'occasion de visiter une petite ville du Venezuela, Choroní, je me suis étonné que la ville ne soit pas au bord de la mer. Et même, vu de la mer, très peu d'habitations sont visibles. En fait, les habitants construisaient leur maisons assez loin de la mer pour qu'un navire flibustier ne voit pas la ville. Quelques cabanes et bateaux de pêcheurs attirent moins les pirates qu'une ville assez grande pour contenir des richesses.


Aussi, à l'extérieur de la baie de Maracaïbo, des amis Venezueliens m'ont parlé d'une ville au bord de la mer dont toutes les maisons sont reliés par des tunnels menant à la jungle. Si les flibustiers, comme à leur habitude, entraient dans la ville par surprise, les habitants pouvaient toujours s'enfuir en leur filant littéralement entre les pattes!



Campêche

En 1867, Campêche devient la capitale de l'état Mexicain du même nom. En 1936, la ville entière est déclarée monument d'architecture à raison de ses nombreux édifices de l'époque coloniale.

Campêche compte 150,518 habitants en 1990.

 


-1633, le 11 août, Jan Janszoon van Hoorn, Pie de Palo et Diego Lucifer foncent sur Campêche à la tête de treize navires. Ils débarquent une troupe de flibustiers Hollandais, Français, Anglais, en plus que quelques portugais, qui marche droit sur les fortifications de la ville. À la première contre-attaque, ils se replient en désordre... c'est une ruse pour amener les défenseurs à les poursuivre. Une fois en terrain découvert, les flibustiers les prennent au piège. Ils sont ensuite maître de la ville pour deux jours et capturent 22 navires ancrés dans le port.

-En ???, Lewis Scott s'empare de San Francisco de Campêche qu'il rançonne et pille.

-1663, Myngs et Mansfeld débarquent mille flibustiers à quelques kilomètres de Campêche. À huit heures du matin, ils attaquent la ville en état de panique depuis que les sentinelles ont signalés l'arrivée des flibustiers. Les 150 soldats de la garnison se retranchent dans une maison fortifiée. Myngs est blessé aux jambes et au visage pendant le premier assaut. Mansfeld prend la relève et après deux heures de combat, la ville est aux mains de flibustiers. Quatorze navires sont capturés dans le port et un imposant butin rassemblé pour être ramené à Port Royal, en Jamaïque.

-1685, Grammont et De Graaf s'emparent de la ville qui renferme peu de butin de valeur. Mécontent, Grammont incendie la ville et fait pendre un à un les prisonniers Espagnols. De Graaf intervient pour qu'il cesse les pendaisons. La seule véritable richesse trouvée est une grande quantité de bois précieux prêt à être exporté en Espagne. Ne pouvant l'emporter, Grammont fait brûler cette fortune de bois précieux. C'est le jour de l'anniversaire de Louis XIV et Grammont s'amuse à dire que même Versailles n'est pas assez riche pour se payer un feu de joie aussi coûteux.



Carthagène

 

Arsenal des trésors du Pérou. Le port de Carthagène est situé en Colombie, il reçoir les vaisseaux qui vont transporter vers l'Espagne l'or du Pérou.

La ville est fondée en 1533 par Pedro de Heredia. Le climat y est l'un des plus chauds et humide du monde. Surnommée la "Carthagène des Indes", cette ville glorieuse dans les annales espagnoles est protégée par une puissante forteresse. Sa prise par l'amiral Drake est l'un des souvenirs épiques de la marine anglaise.

Jusqu'à une époque récente, Carthagène fut le principal débouché du Rio Magdalena, mais les chenaux l'unissant au fleuve se sont envasés. Aujourd'hui, Barranquilla est le port important de la région. Carthagène reste un centre important dont la vieille ville, enfermée dans ses remparts, garde des caractères de cité andalouse.

 


-1543, le 24 juillet, trois cent aventuriers français font irruption dans la ville. Leur chef se nomme Robert Baal. Le Gouverneur Espagnol est surpris en plein banquet. Les flibustiers pillent, menacent d'incendier la ville et se retirent avec une forte rançon, (dont 310 kilos d'or).

-1567, Hawkins vient vendre des esclaves en contrebande aux Espagnols. Mais il ne résiste pas à la tentation d'attaquer des Galions près de Carthagène. Au retour, une tempête l'oblige à se réfugier dans un port de l'île (de Cuba?). Les Espagnols le prennent au piège, seulement deux de ses cinq navires réussissent à s'échapper et sont obligés de traverser l'atlantique dans la plus complète famine, puisqu'on n'a pu s'approvisionner avant d'être chassé.

-1579, Drake conçoit le projet d'attaquer Carthagène. Il recrute les meilleurs pirates, dont une majorité de Français, en plus d'indiens et de noirs. Le géographe Guillaume de Tetsu se joint à l'expédition. L'assaut est terrible et les notables Espagnols acceptent de payer une rançon de 700,000 ducats pour éviter le saccage de la ville. En fait, les pirates sont décimés par la fièvre jaune et n'ont plus la force de d'attaquer de nouveau. Drake le cache bien et réussit son coup de dés

-Vers 16??, Mansfeld tente de prendre Carthagène. Les dissensions entre les capitaines pirates font échouer l'entreprise.

-1683, le 23 décembre, De Graaf et Andrieszoon tentent un coup contre le port de la ville. Le gouverneur de Carthagène a trois gros navires de guerre dans son port. Les flibustiers n'ont que sept petit navires. Il envoie donc ses vaisseaux contre pensant les écraser. Tout au contraire, les flibustiers s'emparent des navires espagnols. Le 25 décembre De Graaf envoie un message au gouverneur le remerciant du cadeau de Noël. Il avait justement besoin d'un nouveau bateau!

-1697, le Baron de Pointis à la tête de deux mille soldats réguliers renforcés de 800 flibustiers recrutés à la Tortue s'empare de Carthagène. Le Gouverneur de la Tortue fait partie de l'expédition, et même s'il insiste pour que le butin soit partagé selon les règles des flibustiers, De Pointis refuse et retourne en France ne laissant que des miettes aux flibustiers dépités. Pour se justifier, de Pointis les décrira comme des lâches dans son rapport.



Cumaná

Située au Venezuela, Cumaná est à l'ouest de Caracas.


- 1658, Myngs imagine une stratégie originale. Partant de Jamaïque, il navigue contre les vents dominants très loin à l'ouest, puis il oblique sur Cumaná. Il pille la ville puis se sert des vents dominants pour revenir en sens contraire le long des côtes et attaquer Puerto Cabello et Coro avant que les messagers puissent avertir ces villes du danger.

- 1668, Cumaná est de nouveau attaquée par des flibustiers dont Roc Brasiliano. Peu de temps auparavant, ils s'étaient joints à Morgan pour le sac de Portobello, et on voulu tenter à nouveau leur chance.



Granada

 

- En 1665, Morgan, Morris et Jackman remontent la rivière San Juan en canots. Se cachant le jour, naviguant la nuit, ils traversent le lac Nicaragua et entrent inaperçu jusqu'à la place centrale de Granada. La ville est pillée pendant seize heures seulement.

- En 166?, l'Olonnais tente de renouveler le coup de main de Morgan. Il sait que Morgan est resté trop peu longtemps pour vider la ville de toutes ses richesses. De nuit, il remonte en pirogues la rivière San Juan et se cache sur une île pour préparer son attaque la nuit suivante. Des indiens alliés des Espagnols repère sa troupe. La contre attaque des Espagnols obligent les flibustiers à repartir. En colère, la plupart des flibustiers se séparent de l'Olonnais qui sera peu après capturé par les indiens Bravos, coupé en morceaux, roti, fumé et mangé!

- En 1686, le 10 avril, 345 flibustiers dirigés par Grogniet, Rose, Townley et Picard capturent Granada. Ils ont du marcher trois jours à partir de la côte du Pacifique et les habitants avertis de leur arrivés se sont réfugiés sur une île du lac Nicaragua, emportant avec eux leurs richesses. Les flibustiers se retirent. Sur le chemin de retour, ils doivent déjouer plusieurs embuscades et livrer bataille à 500 miliciens près de Masaya.



La Habana (La Havane)

 

D'abord fondée sur une autre location, la ville est reconstruite en 1519 à son emplacement actuel et puissamment fortifiée pour en faire un des «verrous» de l'empire Espagnol du nouveau monde. Les navires chargés de trésors en provenance de Portobelo, Carthagène ou Vera Cruz, se regroupent dans la baie de La Havane avant d'entreprendre la traversée de l'atlantique.

L'entrée du port de la Havane est une étroite passe, (150 mètres de large), qui mène à une grande baie. La nuit, une énorme chaine est tendue dans l'entrée pour empêcher les pirates d'y entrer. Une colline domine un côté de cette passe, sur laquelle une forteresse est construite. Sur la rive opposée, plusieurs forts, dont l'un aligne à ras de l'eau une batterie de douze énormes canons appelés «les douzes apôtres». De fouilles archéologiques ont mis à jour ces pièces d'artilleries dans le Viejo Habana, près de la Cathédrale.


-1537, Jean Doublet entre dans le port et combat trois navires Espagnols pendant trois jours. A la fin, il en capture un et incendie les deux autres.

-Vers 153?, des aventuriers français s'emparent de La Havane et incendient la ville. Les mêmes aventuriers incendient plus tard le port La Plata.

-1555, le 10 juillet, les français attaquent le port de La Havane et incendient les magazins d'approvisionnement.

-16??, Henry Morgan s'empare des faubourgs de La Havane. Il fait abattre et saler cinq cent vaches en vue du siège qu'il compte tenir devant la ville. Il est obligé de se retirer à cause des fièvres qui déciment ses flibustiers.

-Les Anglais s'emparent de la ville en 1762. La Havane compte alors 50,000 habitants et est l'un des ports les plus importants d'Amérique. Mais les cubains organisent une guerilla très efficace qui oblige les Anglais à s'enfermer dans la forteresse. Deux ans plus tard, l'Angleterre remet la ville à l'Espagne en obtient la Floride en échange.



Maracaïbo

Fondée par Alonso Pacheco, en 1571, dans le nord-ouest du Venezuela actuel, sur le chenal liant le golf du Venezuela au lac Maracaïbo. Ce n'était au début que le campement de base d'une expédition lancée à la recherche de l'El Dorado.

À cause du climat chaud et humide, la température moyenne est de 28 C., et longtemps considérée comme la ville la plus malsaine d'Amérique du Sud, Maracaïbo connait une croissance très lente jusqu'à la découverte de gisements de pétrole en1917. Après quoi, la population s'accroit rapidement passant de 112,000 habitants en 1941 à 1,206,726 en 1990.

Maracaïbo est la capitale de l'état de Zulia, et la deuxième ville en importance du Venezuela. L'économie s'appuie principalement sur le pétrole, mais aussi sur les exportation de café, de cacao, de sucre et de bois. On y manufacture aussi des produits alimentaires, des boissons, du savon, des textiles, et de la corde

 


-En 1641, six navires Hollandais dirigés par Hendrik Gerristz entrent dans la baie de Maracaïbo. Délaissant cette première ville, ils vont droit sur Gilbraltar des Indes au fond de la baie. Deux cent flibustiers débarquent et pillent Gibraltar. Deux semaines plus tard, Hendrik se retire et bombarde Maracaïbo au passage.

-En décembre 1642, William Jackson à la tête de 12 navires et mille hommes est repoussé en attaquant La Guaira, le port de Caracas. Pas du tout découragé par cet échec, la flottille de Jackson se dirige vers Maracaïbo, s'en empare et y reste jusqu'au 1er février 1643. Les flibustiers font aussi une tentative contre Gibraltar des Indes, sans succès. Depuis la dernière fois, cette ville a eu le temps de se fortifier solidement.

-En 1666, à la tête de sept navires, Jean Nau, dit L'Olonnais, pille Maracaïbo et quelques jours plus tard traverse la baie pour s'emparer de la ville voisine, Gibraltar des Indes, après un des assauts les plus célèbres de l'histoire de la flibusterie.

-En 1669, Henry Morgan la met à sac. Au moment de sortir de la lagune de Maracaïbo Morgan doit affronter trois grands navires de guerres venus le piéger. Morgan leur envoie un navire piégé empli de poudre à canon qui fait exploser le plus gros Espagnol. Le second est capturé, le troisième s'échoue en fuyant. Les flibustiers déjouent encore le fort à la sortie de la baie et font voile chargé d'un butin impressionnant.

-En 1678, Grammont prend Maracaïbo mais n'y trouve plus de butin de valeur. Il pousse jusqu'à (San Antonio de) Gibraltar et Torilha sans perdre beaucoup des siens, mais sans rien y gagner non plus.



Nombre de Dios

Le port où sont concentrés les trésors américains avant la fortification de Porto Bello. «Nombre de Dios», c'est aussi le nom donné à la route que les Espagnols ouvrent à travers l'isthme de Panamá pour transiter de la mer des Caraïbes à l'Océan Pacifique. Le climat y est réputé le plus malsain d'Amérique centrale.


- En 1572, Francis Drake échoue dans une tentative de contourner Nombre de Dios à travers l'isthme de Panama. La ville est trop fortifiée pour ses moyens. Mais il réussit à capturer un riche convoi de mules qui transporte l'or du Pérou arrivé par bateau à Panama.



Porto Bello (Portobelo)

Situé à l'est du Panama et au nord de la côte du golfe de Darien.

L'emplacement du port est découvert par Christophe Colomb. Plus tard, il remplacera Nombre de Dios comme port des Galions. La ville devient florissante tant que l'or y circule.



- En 1668, Henry Morgan débarque et fait route de nuit avec 300 hommes. Au lever du jour, il attaque les 4 forts qui défendent Porto Bello. Le premier fort est pris par surprise. Un second fort est abandonné... les flibustiers découvrent juste à temps une mèche allumée pour faire sauter le magasin à poudre pendant qu'ils explorent ce fort. Les flibustiers mis en colère par ce piège, enferment les prisonniers du premier fort dans le magasin à poudre et le font sauter. La panique des habitants qui voient les forts tomber l'un après l'autre fait le reste. Mais le dernier fort résiste. Pour le prendre, Morgan réunit tous les religieux capturés dans les couvents puis les oblige à dresser des échelles, puis d'y monter en servant des boucliers humains à ses flibustiers. La ville est ensuite pillée de fond en comble.

- En 1680, Lessone, Sharp et Coxon débarquent à 80 kilomètres de Porto Bello qu'ils veulent surprendre par une attaque terrestre. Après quatre jours de marche, ils arrivent affamés et épuisés. Malgré tout, ils s'emparent de la ville le 17 février 1680.

- En 1739, Edward Vernon, officier de la Navy britannique, s'empare de la ville. Même si Vernon est un Capitaine de la marine officielle d'Angleterre, pour les habitants le résultat est le même : saccage et pillage.



Panama

Fondée en 1519 par Dávila et reconstruite au XVII ème siècle. Depuis que les Espagnols y tracèrent la route "Nombre de Dios", Panamá est un lieu de passage privilégié. Cette tradition se poursuit de nos jours avec le canal de Panamá entrepris par Ferdinand de Lesseps en 1879 et terminé par les États-Unis en 1914.


-En 1671, Henry Morgan traverse l'isthme de Panama, gagne une bataille rangée contre 2,100 soldats et une cavalerie de 600 hommes. Se voyant battu, les espagnols incendient Panama pour qu'elle ne tombe pas aux mains des flibustiers. Quand même, Morgan réussit à éteindre le feu, les deux tiers de la ville est en ruine. Puis, les flibustiers restent un mois à Panama d'ou ils partent piller la campagne. Sauvagerie et débauche sans retenue accompagnent le pillage. Il faudra un train de 175 mules pour transporter le butin! Par la suite l'emplacement de la ville complètement en ruine est abandonnée. Panama est reconstruite 30 kilomètres plus loin sur une location plus facile à défendre. Aujourd'hui encore les ruines de la vieille ville, (Panama Viejo), témoignent de l'attaque des flibustiers.

-En 1680, un petit groupe de flibustiers dirigé par le Capitaine Sharp attaque la ville de Santa-Maria puis descend en pirogues vers Panama. Lorsqu'ils arrivent en vue de Panama, trois navires de guerre vont à leur rencontre convaincu de vaincre facilement un ramassis de guenilleux sur des pirogues. C'est le contraire qui se produit, les flibustiers capturent deux navires de guerre et le troisième s'enfuit. Ils vont ensuite tranquilement s'emparer des navires marchands ancrés devant Panama, dont un imposant galion, le Santissima Trinidad, qui devient leur navire amiral. Les flibustiers n'attaquent pas la ville elle-même, trop bien défendue pour le petit nombre qu'ils sont.



Puerto Principe (Camaguey)

Puerto Principe, aujourd'hui Camaguey sur l'île de Cuba. Si vous visitez Cuba, sachez que l'expression Québécoise « j'ai mon voyage », voulant dire qu'on en a plus qu'assez, se traduit en Cubain par « Completo Camaguey ».



-En 1668, Henry Morgan s'empare de la ville mais n'y trouve pas le butin qu'il escomptait. Il négocie avec les habitants et obtient qu'on lui fournisse mille têtes de bétail qu'il fait abattre et saler pour assurer les provisions du retour. (à vérifier, j'écris ceci de mémoire!)



Santiago (de Cuba)



-En 1554, une bande d'arquebusiers français s'installe un mois dans la ville. Ils se retirent après bien des excès et emportent 80 000 pesos.

-En 1635, le Hollandais Pie de Palo ("jambe de bois" en espagnol), surnommé aussi "El Pirata", s'empare de la ville grâce à une ruse typique de flibustier: on arrive dans le port avec une grande partie de l'équipage déguisée en Franciscains. Le gouverneur Espagnol croit qu'il s'agit de missionnaires en route pour les Amériques et les laisse entrer dans le port.

-En octobre 1662, Christopher Myngs débarque mille flibustiers, contourne la forteresse de Santiago pour marcher sur la ville. Les flibustiers battent l'armée espagnole devant les portes de la ville, puis s'emparent de la forteresse qu'ils font consciencieusement exploser. Santiago est pillée pendant cinq jours avant d'être incendiée.



Vera Cruz (San Juan de Ulua)

-1683, le 18 mai, Grammont, Van Hoorn, Laurent De Graaf et Andrieszoon s'emparent de Vera Cruz par surprise. Les notables sont enfermés dans l'église qu'on entoure de barils de poudre. Les flibustiers menaçent de tout faire sauter à moins qu'on leur verse une rançon de deux millions de piastres. Une flotte de 17 navires et un régiment arrivant de l'intérieur du pays ne réussissent pas à empêcher les flibustiers de s'enfuir avec tout leur butin. (voir la fiche "attaque d'une ville")



Relation de la prise de La Guayra (1680), par le sieur de Granmont

(Ce texte provient d'un lecteur de l'Encyclopirate, M. Raynald Laprise, que je remercie pour cette intéressante contribution)


NOTE. La relation qui suit est écrite par Granmont (c'est ainsi qu'il signe). Je vous l'expédie pour rectifier l'une des erreurs que vous avez commises à propos de ce capitaine, à la suite de Georges Blond et d'autres auteurs. En effet, même si ce capitaine fut en 1680 à la côte de Cumana, il n'attaqua ni ne prit cette ville mais plutôt celle de La Guayra, le port de mer de Caracas. La présente relation raconte donc la prise de La Guayra. Comme dans la pièce précédente, j'ai actualisé le texte, c'est à dire que j'ai rétabli l'orthographe de certains mots dans leur forme actuelle et que j'ai placé des signes de ponctuation pour en faciliter la lecture. Dans son manuscrit, Granmont traduit les noms espagnols en les adaptant dans sa langue. Ainsi, les îles Blanche, de la Marguerite et de la Rogue sont respectivement Blanquilla, Margarita et de Los Roques, toutes des îles se trouvant au large de l'actuel Vénézuela. De même, La Gouaire, Port Cavaille et Caraque sont les places de La Guayra, Porto Caballo et Caracas se trouvant dans ce pays. Autres précisions: le capitaine «Pin» dont Granmont parle à la fin de sa relation est l'Anglais Thomas Paine, qui se retira au Rhodes Island quelques années plus tard; l'autre chef de cette entreprise, que Granmont ne mentionne pas, était un autre capitaine anglais nommé William Wright; et le «gouverneur» de La Guayra était D. Cipriano de Alberro, fils du gouverneur de Caracas.


« Le 14 du mois de mai 1680, je mouillai à l'île Blanquilla qui est au nord du bout de l'ouest de la Margarita en l'Amérique. Le 18, j'envoyai deux bâtiments à la Terre Ferme pour chercher des pirogues afin de mettre à terre à La Guayra; et j'appareillai pour aller à Los Roques pour n'être pas découvert.

Le 25, les deux bâtiments que j'avais envoyé chercher des pirogues arrivèrent et m'en amenèrent sept qui étaient du golfe de Paria, lesquelles j'équipai en guerre. Et me préparant, j'envoyai chercher un prisonnier trois lieues au vent de La Guayra. Le 3 juin, j'eus des prisonniers qui me dirent qu'il y avait trois bâtiments marchands mouillés sous les forts de La Guayra, l'un de 22 canons, et les deux autres de 18, et de 12; et qu'à Porto Caballo il y avait un navire de 40 canons, qui avait traité 800 nègres.

Le 24, mes pirogues étant en état, je fis la revue des sujets du Roi que je commandais sous la commission de M. de Pouançai, son gouverneur à la Tortue et Côte Saint-Domingue, desquels je trouvai pour mettre à terre 183 flibustiers.

Le 25, j'appareillai prenant le monde en mon bord et les sept pirogues à la toue; les autres bâtiments, je les laissai à l'arrière avec ordre de me venir joindre à La Guayra en observant mes signaux. Le soir, à soleil couchant, je quittai mon navire quatre lieues au large de terre ferme, et avec mes pirogues, je nageai toute la nuit.

Le 26, j'arrivai une heure devant le jour à l'anse où je voulais mettre à terre une demi-lieue à l'est de la ville où je perdis mes pirogues, un homme de noyé et trente armes; j'aurais bien sauvé les pirogues, mais au contraire je m'étais précautionné de haches pour les briser, ne voulant pas risquer du monde à les garder; je marchai avec ce qui me resta de monde en état de combattre parce que le jour commençait; et, à 300 pas d'où je m'étais débarqué, je surpris quatre hommes qui avaient passé la nuit en vigie qui me firent découvrir à la ville par un coup de fusil; et aussitôt on me donna l'alarme par des cloches et un coup de canon; je serrai en doublant le pas; tambour battant et le drapeau déployé, j'entrai dans la ville par la porte de l'est, défendue par douze canons, à cent pas de laquelle est un fort où je fis deux attaques, cependant qu'avec des grenadiers, j'étais au pied et j'entrai dedans les embrasures, après avoir tué et blessé 26 hommes, de 38 qui composaient la garnison et dont le reste me demanda quartier; je mis mon drapeau sur le fort avec trois cris de «Vive le Roi!», qui intimidèrent si fort la garnison de l'autre fort, composée de 42 soldats, que le gouverneur me reçut à la porte. Je le fis prisonnier avec les 80 soldats de sa garnison et quantité d'autres; et, après m'être rendu maître de la ville et des forts avec 47 hommes qui s'étaient trouvé en état de me suivre, je posai des corps de garde, rasai tous les travaux et enclouai tout le canon d'autour de la ville; je me fortifiai dans les forts.

Le 27, je le passai dans la ville faisant des sorties sur les ennemis qui faisaient des approches de temps à autres.

Le 28, j'eus la nouvelle que les forces de Caracas venaient environ 2000 hommes, ce qui me fit embarquer mon monde; et, afin de ne pas perdre, je mis deux barques près de terre avec deux «vois-tu viens-tu» sur mon navire; et, comme je m'étais attendu d'être attaqué en embarquant le monde, je soutins environ 300 hommes bien deux heures, cependant que la moitié des flibustiers s'embarquèrent dans les deux barques à la faveur desquels je voulais embarquer le reste; mais je repoussai l'ennemi et me retirai voyant des troupes arriver de tous côtés: je perdis six hommes à cette attaque et un à celle du premier fort. Et le gouverneur embarqué, tous les officiers de terre et bien 150 autres prisonniers, je m'embarquai aussi avec une blessure d'une flèche à la gorge qui m'a fait demeurer incommodé d'un bras: j'eus aussi un capitaine blessé qui y eut l'épaule cassée d'un coup de mousquet.

Il y avait 44 canons en tout, huit de fonte dans les deux forts, dont quatre étaient de 24 et de 18; je les ai encloués tous, brûlé, rasé les forts, brûlé 6000 flèches, 400 mousquets et détrempé 6000 de poudre, laissant la ville en état sans la brûler.

Le 28, j'appareillai et allai mouiller aux îles d'Aves pour faire mes eaux.

Le second jour d'août, la suite de ma blessure m'ayant mis en risque, je laissai la conduite des sujets du Roi au capitaine Pin, avec ordre de les amener à la Côte et d'y venir rendre compte de ses actions à M. le gouverneur, après avoir remis le gouverneur de La Guayra à terre et les prisonniers. »


SOURCE. Archives Nationales, Colonies, F3 164, fol. 332: relation de la prise de La Guayra par Granmont, 1680. J'ai pris le texte intégral de cette relation dans une vieille revue de géographie et d'histoire. Cette relation est aussi résumée par Pierre-François de Charlevoix dans son Histoire de l'île Espagnole ou Saint-Domingue, et très brièvement par Charles de La Roncière dans son Histoire de la marine française.


Les villes proies